Loi Influenceurs
Loi Influenceurs : Pourquoi et Comment leur activité est-elle encadrée ?
Avec l'explosion des contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux, la question du cadre légal applicable aux influenceurs est devenue incontournable. En France, la loi n°2023-451 du 9 juin 2023 et l’ordonnance du 6 novembre 2024 viennent poser des règles claires pour encadrer l’activité d’influence commerciale.
Objectif : protéger les consommateurs, notamment les plus jeunes, et lutter contre les dérives observées sur les plateformes.
Qui sont les influenceurs ?
En application de l’article 1 de la loi relatif aux influenceurs du 9 juin 2023, les influenceurs sont définis comme :
- « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque exercent l'activité d'influence commerciale par voie électronique.
La prestation caractéristique de l’influenceur est « la publication » sur les réseaux sociaux. [1]
L'activité d'influenceur, en pleine croissance, peut être exercée sous différents statuts juridiques, chacun présentant des avantages et des limites :
- Le statut de micro-entrepreneur (auto-entrepreneur) : Simple et rapide à mettre en place, le statut de micro-entrepreneur séduit de nombreux influenceurs débutants. Ce régime offre une gestion administrative simplifiée, un régime fiscal avantageux et un calcul facilité des charges sociales.
Toutefois, le régime du micro-entrepreneur ne s’applique que tant que le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 77 700 euros.
- L'entreprise individuelle (EI ou EIRL) : L'entreprise individuelle permet à l’influenceur de travailler à titre indépendant sans créer de société.
Ce statut est apprécié pour ses formalités administratives allégées, mais l’entrepreneur reste responsable sur ses biens professionnels en cas de dettes.
- La création d'une société (SASU, EURL, SAS, SARL...) : Créer une société commerciale permet à l'influenceur de structurer son activité avec : Une responsabilité limitée aux apports ; Des options fiscales optimisées (IS ou IR sous conditions) ; Une image plus professionnelle auprès des marques partenaires.
Toutefois, la gestion d'une société entraîne des formalités plus complexes (rédaction de statuts, tenue de comptabilité...).
Quelle est la nouvelle loi sur les influenceurs ?
La loi n°2023-451 du 9 juin 2023 encadre pour la première fois en France l’activité d’influence commerciale. Ce projet de loi adopté après son examen en séance publique par l'Assemblée nationale et le Sénat, vise à protéger les consommateurs face aux dérives commerciales, notamment les placements de produit dissimulés. Elle impose aux personnes d’influence et aux prescripteurs d’opinion sur les médias sociaux d’adopter une communication transparente, loyale et responsable, sous peine de sanctions. Elle a été complétée par l’ordonnance du 6 novembre 2024, qui précise certaines modalités.
L’exposé des motifs du texte justifie cet encadrement par la nécessité de lutter contre la loi du marché sans règles, souvent amplifiée par la puissance des followers et la popularité des influenceurs. Les agences de marketing et les annonceurs doivent désormais établir l'influence réelle de chaque créateur, en mesurant leur potentiel d'influence, afin de respecter les règles imposées par cette loi qui adopte des lois spécifiques au secteur digital.
Pourquoi cette législation a-t-elle été adoptée ?
Les influenceurs sont devenus de puissants leaders d’opinion sur les réseaux sociaux, capables de façonner les comportements d’achat de millions de consommateurs. Cependant, l’essor de l’influence marketing soulève des risques juridiques et éthiques.
En effet, certains influenceurs pratiquent le placement de produit de manière dissimulée ou abusive, sans respecter les règles de transparence imposées par la loi. Cette stratégie d’influence, lorsqu’elle est mal encadrée, peut exposer le public à des pratiques commerciales trompeuses, voire dangereuses, notamment dans les domaines de la santé, des finances ou des paris en ligne.
C’est pourquoi, face à la montée des arnaques, du démarchage abusif et de la promotion de produits dangereux ou trompeurs, notamment via le dropshipping, le législateur a voulu renforcer la protection des consommateurs et garantir une influence marketing responsable sur les réseaux sociaux.
Cette loi vise également à :
● Lutter contre les placements de produits non déclarés
● Encadrer les publicités pour des produits sensibles (alcool, paris en ligne, chirurgie esthétique) ;
● Et responsabiliser les influenceurs.
Quelles sont les obligations et interdictions pour les influenceurs ?
La loi influenceurs du 9 juin 2023 impose une série d’obligations strictes en matière de transparence et d’information à tous les créateurs de contenus commerciaux sur les réseaux sociaux. L’objectif : garantir une communication honnête vis-à-vis des consommateurs et lutter contre les pratiques commerciales trompeuses.
Mentions obligatoires dans les contenus sponsorisés :
Les influenceurs doivent mentionner de façon claire et visible tout contenu à caractère publicitaire ou sponsorisé. À défaut, ils s’exposent à des sanctions pour publicité déguisée, comme le rappelle l’article 5 de la loi :
- « L'absence d'indication de la véritable intention commerciale d'une communication [...] constitue une pratique commerciale trompeuse par omission au sens de l'article L.121-3 du Code de la consommation. »
Les mentions recommandées incluent notamment :
● #sponsorisé
● #partenariat
● #collaboration
En complément, deux obligations de mention ont également été introduites :
- Toute image retouchée pour affiner ou modifier une silhouette ou un visage doit le préciser explicitement ;
- Tout contenu généré ou modifié par intelligence artificielle (IA) doit également en faire état de manière claire.
Produits et services dont la promotion est interdite :
La loi interdit désormais formellement la promotion de certains produits ou services sensibles, notamment :
● Produits ou techniques présentés comme des alternatives aux traitements médicaux, sans validation scientifique ;
● Produits contenant de la nicotine, même en faible quantité, dès lors qu’ils peuvent être consommés ;
● Certaines offres financières, comme les jetons numériques (type ICO ou cryptoactifs), sauf si l’annonceur détient un visa AMF (Autorité des marchés financiers).
Ces interdictions visent à protéger les consommateurs contre les pratiques à risque, en particulier les publics jeunes et vulnérables.
Cas concret : l’affaire Nabilla et la publicité déguisée
La DGCCRF a rappelé à plusieurs reprises l’importance de la transparence dans les contenus sponsorisés. Dans un communiqué de juillet 2021, elle sanctionne l’influenceur Julien Tanti pour avoir omis d’indiquer qu’il avait été rémunéré dans le cadre d’un partenariat.
Ce manquement constitue une pratique commerciale déloyale, désormais explicitement réprimée par la loi influenceurs de 2023.
L’influenceur face au droit de la consommation : obligations et risques juridiques
Les influenceurs sont soumis aux règles du Code de la consommation, au même titre que tout professionnel. Ils ont donc l’obligation de s’assurer que leurs actions commerciales respectent les principes de loyauté et de transparence vis-à-vis des consommateurs.
Selon l’article L.121-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est considérée comme déloyale « lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. »
Un exemple concret concerne l'affaire impliquant l’influenceuse Nabilla Benattia, sanctionnée par la DGCCRF en 2021. Celle-ci avait affirmé, dans une publication sponsorisée, que le service de trading en ligne promu était gratuit et permettait de récupérer systématiquement les sommes investies. Ces allégations, jugées trompeuses, ont été considérées comme de nature à induire les consommateurs en erreur et à altérer leur comportement économique (Source : DGCCRF, communiqué de presse du 28 juillet 2021)[3]
Le dropshipping : un modèle controversé dans l’influence commerciale
Le dropshipping est un modèle de vente à distance de plus en plus utilisé par les influenceurs. Il repose sur une séparation entre le vendeur (souvent l’influenceur ou une société partenaire) qui assure la promotion du produit, et le fournisseur qui gère la logistique (stockage, expédition).
Problème : le consommateur n’est pas toujours informé de cette répartition, ce qui peut poser des problèmes juridiques sérieux.
D’après une enquête de la DGCCRF, deux grands types de pratiques illégales ont été constatés dans le domaine du dropshipping :
● Pratiques commerciales trompeuses, notamment : Mentions fausses ou ambiguës sur la disponibilité du produit ; Usage de faux labels de qualité ou d’indications mensongères sur l’origine ; Promesses fictives sur des prix prétendument promotionnels ; Confusion sur l’identité réelle du vendeur ou sur les droits des consommateurs.
● Manquements aux règles de la vente à distance, en particulier : Absence d’information précontractuelle obligatoire (identité du professionnel, garantie légale, droit de rétractation, etc.) ; Non-respect du formalisme contractuel (absence de la mention "obligation de payer", défaut de confirmation sur support durable…).
Ces pratiques peuvent entraîner de nombreux litiges, à la fois pour les influenceurs et pour les marques partenaires. La loi impose donc aux influenceurs de vérifier la conformité légale des produits et services promus, sous peine de sanctions administratives et pénales.
Les influenceurs sont-ils responsables en cas de problème ?
La réponse est oui. Selon l’article 6 de la loi influenceurs du 9 juin 2023, les créateurs de contenus engagés dans des activités commerciales sont responsables de plein droit vis-à-vis des consommateurs, même lorsqu’ils ne gèrent pas directement la livraison du produit.
« Les personnes mentionnées à l’article 1 [les influenceurs] dont l’activité est limitée à la seule commercialisation de produits et qui ne prennent pas en charge la livraison de ces produits, celle-ci étant réalisée par le fournisseur, sont responsables de plein droit à l’égard de l’acheteur. »
(Loi n°2023-451 du 9 juin 2023 – Article 6)
Autrement dit, dans le cadre du dropshipping, un influenceur ne peut pas se dédouaner des problèmes rencontrés par ses abonnés ou clients. Si le produit n’est pas livré, est non conforme, ou si la promotion repose sur des affirmations mensongères, l’influenceur engage sa responsabilité juridique.
Par conséquent, les influenceurs doivent notamment :
- Vérifier la légalité et la fiabilité des produits promus ;
- Informer clairement le public sur les conditions de vente ;
- S’assurer que le fournisseur respecte les droits des consommateurs (droit de rétractation, délais de livraison, conformité…).
En cas de litige, l’influenceur peut être poursuivi sur la base du droit de la consommation, au même titre qu’un e-commerçant classique.
Quelles sanctions en cas de non-respect de la loi ?
La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) est chargée de contrôler les contenus d’influence. En cas d’infraction :
● Les influenceurs risquent jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende (pour les faits les plus graves dont notamment pratiques commerciales trompeuses) ;
● Le contenu peut être supprimé ou bloqué, et l’auteur banni temporairement des réseaux ;
● Produire et diffuser une vidéo de mise en garde contre les pratiques en ligne dont notamment les placements financiers risques, promesses d’enrichissement faciles…
Quelles sont les responsabilités des influenceurs en France et en Europe ?
En France, la législation est désormais l’une des plus strictes en Europe. D’autres pays comme l’Allemagne ou l’Espagne imposent également la transparence des publications commerciales, mais la France va plus loin en pénalisant les abus et en responsabilisant les influenceurs sur les produits promus.
Nos conseils si vous êtes contacté pour devenir ambassadeur d’une marque
Si une marque vous sollicite :
● Demandez un contrat écrit clair sur les conditions du partenariat,
● Vérifiez la légalité des produits ou services à promouvoir,
● Soyez transparent avec votre communauté : mention “sponsorisé” obligatoire,
● Renseignez-vous sur vos droits et devoirs, ou faites appel à un avocat
FAQ : Loi influenceurs
Quels sont les risques pour les influenceurs ?
Sanctions pénales, amendes lourdes, suppression de contenus... La loi vise à sanctionner tout comportement trompeur ou dangereux pour les consommateurs.
Les influenceurs peuvent-ils être responsables en cas de litige ?
Oui. En tant que professionnels, ils doivent répondre de la conformité des produits qu’ils promeuvent, notamment en cas de dropshipping.
Quels sont les 4 types d'influenceurs ?
Dans le domaine du marketing d’influence, les influenceurs sont généralement classés en quatre niveaux d’influence, en fonction du nombre de followers sur les réseaux sociaux :
- Nano-influenceurs : moins de 10 000 abonnés. Ils ont souvent un taux d’engagement élevé et une proximité forte avec leur audience, ce qui en fait des profils très recherchés pour des campagnes locales ou de niche ;
- Micro-influenceurs : entre 10 000 et 100 000 abonnés. Ils disposent d’une audience fidèle, souvent spécialisée sur un secteur (beauté, sport, food, lifestyle…), et sont perçus comme plus crédibles que les grands comptes ;
- Macro-influenceurs : entre 100 000 et 1 million d’abonnés. Leur rayonnement est plus large, et ils collaborent fréquemment avec des marques pour des partenariats nationaux ou internationaux ;
- Méga-influenceurs (ou célébrités digitales) : plus de 1 million d’abonnés. Ce sont souvent des personnalités médiatiques ou des stars du web, avec une forte notoriété et une influence de masse.
Les influenceurs sont-ils être responsables en cas d’achat non conforme ou non livraison ?
Oui, un influenceur peut être juridiquement responsable en cas d’achat non conforme ou de non-livraison d’un produit qu’il a promu. La loi influenceurs du 9 juin 2023 l’affirme explicitement : lorsqu’un influenceur participe à la commercialisation d’un produit, même s’il ne gère pas la logistique ou la livraison, il est responsable de plein droit à l’égard du consommateur. (Article 6 de la loi du 9 juin 2023).