Droit à l’image des enfants
Droit à l’image des enfants : ce que dit la loi
La diffusion de l’image d’un enfant sur les réseaux sociaux ou toute autre plateforme n’est pas un acte anodin.
Selon une étude de 2021 menée par l’institut de sondage GECE sur un échantillon de 1 000 parents d’enfants de moins de 18 ans, 39% des bébés ont une empreinte numérique avant leur venue au monde, et 43% des parents publient des photos de leur enfant sur les réseaux sociaux.
Face à l’essor du sharenting — cette tendance croissante des parents à publier massivement des photos ou vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux —, la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 est venue encadrer plus strictement le droit à l’image des mineurs. Cette évolution législative a pour objectif de mieux protéger leur vie privée, leur dignité, ainsi que leur intégrité numérique, tout en renforçant la responsabilité juridique des parents dans la gestion de l’exposition médiatique de leurs enfants.
Parmi les risques qui ont motivé cette réforme, deux dangers majeurs sont particulièrement préoccupants :
- D’une part, la possibilité de détournement des images à des fins malveillantes, notamment dans le cadre de réseaux pédocriminels, mais aussi dans des contextes de harcèlement, de moquerie ou de réutilisation sans consentement ;
- D’autre part, la construction précoce et souvent irréversible d’une empreinte numérique impose une vigilance accrue. En partageant des contenus dès la naissance — voire avant, comme le montre l’étude de l’institut GECE —, les parents exposent leurs enfants à une présence en ligne non choisie, susceptible de porter atteinte à leur vie privée future.
Il apparaît donc tout à fait cohérent que la loi de 2024 ait introduit un devoir renforcé de vigilance parentale face à la diffusion de l’image des mineurs. Cette responsabilité juridique renouvelée vise à garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant prime désormais sur toute volonté de partage public, même au sein du cercle familial ou amical.
Des textes internationaux, comme la convention internationale des droit de l’enfant prévoit également à l’article 16 que :
- « Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. »
Ce que prévoit la loi du 19 février 2024
Cette nouvelle législation vise à garantir de manière plus rigoureuse le respect du droit à l’image des mineurs, à une époque où leur exposition en ligne est devenue monnaie courante.
Pour ce faire, la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 a introduit plusieurs modifications importantes au sein du Code civil, renforçant ainsi l’encadrement juridique applicable aux parents et aux détenteurs de l’autorité parentale.
Tout d’abord, l’article 371-1 du Code civil a été modifié afin d’élargir explicitement les missions de protection des parents. La notion de « vie privée » de l’enfant, jusque-là implicite, est désormais intégrée dans le texte. La version actuelle de cet article dispose :
● « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.
Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. »
Cette évolution souligne que le droit à l’image, en tant qu’expression de la vie privée de l’enfant, fait désormais partie intégrante des obligations parentales.
Par ailleurs, la loi introduit un nouveau mécanisme de protection dans le cadre de l’article 377 du Code civil. Désormais, en cas de diffusion portant gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de l’enfant, il est possible de saisir le juge aux fins de délégation de l’exercice du droit à l’image. Le texte inséré prévoit :
● « Lorsque la diffusion de l'image de l'enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de celui-ci, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l'exercice du droit à l'image de l'enfant. »
Ce dispositif innovant ouvre ainsi la voie à une intervention judiciaire en cas d’abus, y compris à l’initiative de tiers agissant dans l’intérêt supérieur du mineur.
Enfin, la loi consacre un encadrement spécifique de la diffusion de l’image des enfants sur les plateformes numériques et réseaux sociaux.
Organisation de l’exercice du droit à l’image de l’enfant par les parents
La publication de photos ou de vidéos d’un enfant mineur sur les réseaux sociaux ou toute autre plateforme en ligne n’est pas un acte anodin : il s’agit juridiquement d’un acte non usuel, qui nécessite l’accord préalable des deux parents exerçant l’autorité parentale.
Cette exigence est expressément posée par l’article 372-1 du Code civil lequel dispose désormais :
● « Les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l'article 9. »
Cette règle s’applique même en cas de séparation des parents, conformément à l’article 373-2 du Code civil, qui rappelle que :
● « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale. »
Autrement dit, un parent ne peut décider seul de publier une image de l’enfant sans obtenir le consentement exprès de l’autre parent, sauf dans des situations exceptionnelles.
Ce principe de coparentalité numérique renforce la cohérence des décisions prises dans l’intérêt de l’enfant et vise à limiter les conflits ou les abus liés à une diffusion unilatérale.
En cas de désaccord persistant entre les parents, il est possible de saisir le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire. Ce dernier peut, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation préalable de l’autre parent.
Cette mesure préventive permet d’éviter les atteintes à la vie privée du mineur, tout en rétablissant un cadre d’exercice partagé et responsable de l’autorité parentale.
Que faire si un tiers diffuse l’image de mon enfant sans mon autorisation ?
La diffusion d'une image de votre enfant, notamment par la presse, sans votre consentement constitue une atteinte à son droit à l'image et à la vie privée.
En tant que parent ou représentant légal, vous disposez de recours pour faire valoir vos droits. En France, le Code civil protège le droit à l'image des individus, y compris celui des mineurs.
Si vous êtes confronté à une telle situation, vous pouvez d'abord demander directement la suppression de l'image auprès de la personne ou de la plateforme qui l'a publiée.
Si cela ne suffit pas, vous pouvez signaler l'infraction aux autorités compétentes, telles que la CNIL pour les violations de données personnelles, ou même engager une procédure judiciaire en cas de diffusion malveillante ou persistante.
En cas de difficulté à faire retirer l'image, il est conseillé de consulter un avocat spécialisé pour obtenir un accompagnement juridique.
La diffusion non autorisée d'une image peut en effet constituer une infraction, notamment en vertu des dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Le rôle de la CNIL
Les photos et vidéos de vos enfants sont des données personnelles, et à ce titre, elles bénéficient d'une protection renforcée, notamment sur internet.
En France, ce sont les parents qui, en tant que représentants légaux, exercent les droits numériques de leurs enfants mineurs, en particulier devant la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). Cette dernière veille à la protection des droits des mineurs, notamment leur droit à l'effacement, à l'accès et à la rectification de leurs données personnelles.
La CNIL souligne également que les mineurs doivent pouvoir exercer directement leurs droits sur les réseaux sociaux, tout en ayant la possibilité d'être accompagnés par leurs parents dans ces démarches. Si une photo ou une vidéo de votre enfant est diffusée sans consentement et que les démarches auprès de la plateforme concernée échouent, vous pouvez saisir les services de la police ou de la gendarmerie, ou bien la CNIL, dans un délai d'un mois pour obtenir l’effacement des données.
Depuis la loi de février 2024, la CNIL peut également saisir le juge en référé en cas de non-exécution ou de refus par un réseau social de répondre à une demande d'effacement des données personnelles d'un mineur.
En parallèle, la CNIL met à disposition des ressources et un guide pour aider les mineurs à sécuriser leurs comptes sur les réseaux sociaux et réduire la visibilité de leurs publications, renforçant ainsi leur autonomie et leur protection en ligne.
Quelles sanctions en cas de diffusion non autorisée de l’image d’un enfant ?
La diffusion de l’image d’un mineur sans le consentement de ses représentants légaux peut entraîner des poursuites tant sur le plan civil que pénal.
Sur le plan civil, les contrevenants s’exposent à une condamnation au paiement de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée constituant un préjudice moral. Une action civile peut être engagée par les parents ou par l’enfant lui-même, en fonction de son âge et de sa capacité à agir.
Sur le plan pénal, en cas de diffusion massive, malveillante ou à but lucratif, les sanctions sont plus lourdes. La captation, l’enregistrement ou la transmission de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé sans son consentement constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, conformément à l’article 226-1 du Code pénal.
Ces infractions peuvent donner lieu à des poursuites par le ministère public, en plus d’une action en justice engagée par la victime.
FAQ Droit à l’image des enfants
Puis-je empêcher mon ex de publier des photos de nos enfants sur les réseaux sociaux ?
Oui. En l’absence d’accord entre les deux parents exerçant l’autorité parentale, la diffusion est interdite. En cas de désaccord, il faut saisir le juge.
Quels droits pour les enfants face à la diffusion de leur image ?
Même mineur, l’enfant a un droit au respect de sa vie privée. Selon son âge et sa maturité, il peut s’opposer à la diffusion de son image. Les parents ont alors l’obligation d’écouter son souhait.
Quel âge pour le droit à l'image ?
Le droit à l’image s’applique dès la naissance : il n’y a pas d’âge minimum pour en bénéficier.
Si vous souhaitez obtenir des conseils personnalisés ou une assistance dans la protection des droits de votre enfant, n'hésitez pas à contacter notre cabinet d'avocats spécialisé dans le droit à l'image et la protection de la vie privée.