Diffamation et atteinte à la réputation

Diffamation et atteinte à la réputation

Le Droit français sanctionne les atteintes à la réputation des personnes en prévoyant une infraction de presse et pénale spécifique : la diffamation.

Cette dernière renvoie communément à des paroles ou à un écrit portant atteinte à l’honneur et à la réputation d’une personne qui sont des attributs de la personnalité juridique protégés par la loi et sont inséparable de la personne.

Cet article vous permettra de mieux comprendre l’infraction de diffamation, les différences avec d’autres infractions telles que la dénonciation calomnieuse ainsi que les démarches à suivre pour se défendre ou engager des poursuites lorsque l’on estime en être victime.

Qu’est-ce que la diffamation ? 

La diffamation est définie par la loi comme « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »

Ainsi, l’allégation ou l’imputation d’un fait est l’acte matériel susceptible de constituer la diffamation. Cette allégation ou imputation doit porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps. Précisions que la loi ne vise pas directement la réputation de la personne car en Droit français la réputation ne fait pas à proprement parler l’objet d’une protection. En ce sens, la partie victime d’une diffamation, démontrera davantage une atteinte à son honneur ou à sa considération dès lors qu’elle estimera être victime de diffamation.

Cependant, la diffamation implique toujours de caractériser plusieurs éléments précis qu’il peut être intéressant de mentionner..

Les conditions pour caractériser la diffamation

Pour que l’infraction de diffamation soit caractérisée, plusieurs conditions doivent être réunies :

  1. La diffamation doit reposer sur l’allégation ou l’imputation d’un fait : la diffamation repose sur des propos d’autrui affirmant un fait peu importe de la véracité de celui-ci, l’allégation ou l’imputation pouvant par ailleurs être présentées de manière « déguisée, dubitative ou par voie d’insinuation » (Civ 2e. 10 juin 1999, n° 97-17.154)

  2. Cette allégation ou imputation d’un fait doit porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps : cette condition est objective, car le juge ne s’intéressera en aucun cas à la sensibilité de la victime ni même à sa perception de l’honneur ou de la considération afin de retenir la diffamation. 

Diffamation publique vs diffamation non publique

La diffamation peut être publique ou non publique.

L’intérêt de la distinction est primordial car dans les cas où la diffamation et l’atteinte à la réputation est publique, les sanctions prononcées par le juge sont susceptibles d’être plus lourdes. Il en va de même si la diffamation vise des autorités publiques ou si elle a un caractère raciste et discriminatoire.

La diffamation publique renvoie à des propos susceptibles d’être tenus ou lus par des personnes étrangères à la victime de diffamation. Classiquement, le fait de diffamer une personne par voie de presse, sur internet, à la télévision, ou même plus trivialement dans la rue constitue une diffamation publique.

A contrario, la diffamation privée renvoie quant à elle à des propos tenus dans un cadre strictement privé, ne pouvant dès lors pas être entendus ou lus d’un public extérieur à la victime et l’auteur des faits. Ainsi, sera considéré comme une diffamation privée, la diffamation intervenant dans des conversations privées, par sms de la façon la plus classique, par lettre, par e-mail.. 

Comment porter plainte pour diffamation ?

Préalablement à la plainte pour diffamation, il est fondamental pour la victime de l’infraction de rassembler des preuves de celle-ci. La solution la plus efficace et la plus sécurisante est de recourir aux services d’un huissier qui constatera dans les règles du droit les actes susceptibles d’être qualifiés de diffamation par le juge et dans le cadre d’une procédure devant le juge pénal.

Par ailleurs, dès lors qu’elle est matérialisée sur un support écrit, apporter la preuve d’une diffamation est relativement aisé.

En effet, cette preuve écrite peut prendre différentes formes :

-       Des captures d’écran : dans le cas où la diffamation a lieu sur internet (sur un réseau social, un forum..), datées et montrant clairement le contenu diffamatoire, l’auteur des propos (même s’il s’agit d’un pseudo)

-       La production de tout support écrit contenant la diffamation : articles de presse, lettres..

En revanche, dans les situations où la diffamation est orale, la victime peut recourir à des enregistrements (qu’ils soient audio ou vidéo), des témoignages, des attestations sur l’honneur.

Porter plainte pour diffamation nécessite en premier lieu de respecter certaines règles de prescription prévues par le Code pénal. Passé un certain délai prévu par la loi, la justice ne peut ainsi plus être saisie pour connaître de faits relatifs à une éventuelle diffamation.

En ce sens, s’il s’agit d’une diffamation publique ou non publique, le délai de prescription est de 3 mois à partir de la date de la première publication des propos.

En revanche, si la diffamation publique ou non publique revêt un caractère raciste ou discriminatoire, le délai de prescription est étendu à 1 an, ce qui laisse davantage de temps à la victime pour collecter les preuves. Ce délai court également à partir de la date de la première publication des propos, qu’ils soient écrits ou oraux.

Porter plainte pour diffamation peut prendre différentes formes:

-       Dans la situation où l’auteur des faits est connu : il est possible de saisir directement le tribunal en ayant connaissance des coordonnées de l’auteur des propos diffamatoires.

Certaines subtilités liées aux propos tenus dans un média ne doivent pas être occultées (cas de propos tenus sur un site internet, à la radio..). Dans ce cas, l’auteur principal des faits sera le directeur de publication car celui-ci est considéré par la loi pénale comme l’auteur principal des faits. La loi pénale le considère en ce sens responsable des faits commis par le média dont il est chargé de vérifier le contenu diffusé par les équipes qu’il dirige.

-       Dans la situation où l’auteur des faits est inconnu : la plainte est toujours envisageable, mais elle sera dirigée contre X.

Coût et durée d’un procès en diffamation

Le coût et la durée du procès en diffamation est susceptible de varier selon la durée de la procédure. En effet, la durée du procès est susceptible d’être rallongée si la partie perdante fait appel du jugement rendu par la juridiction de première instance. En ce sens, les délais afin d’obtenir un jugement définitif peuvent être longs de plusieurs mois voire se compter en années. Le coût du procès prendra en compte les frais engagés pour l’intervention d’un potentiel huissier de justice ainsi que des frais d’avocat fixés par la convention d’honoraires signée avec l’avocat.

Les condamnations possibles

La condamnation de la diffamation est susceptible de varier en fonction de la nature de l’infraction de diffamation (publique, non publique), de la personne visée ainsi que de l’existence ou non d’un motif raciste ou discriminatoire

 Contravention de 1 500 euros maximum, et possibilité d’être condamné à une peine complémentaire telle que : l’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de 3 ans, une arme soumise à autorisation, travail d’intérêt général, obligation d’effectuer un stage de citoyenneté..

Toutefois, il peut être utile de préciser qu’au-delà du procès pénal, une action en diffamation est susceptible d’être engagée devant les juridiction civiles afin d’obtenir une réparation prenant la forme de dommages et intérêts.

La procédure devant le juge civil est réputée plus souple que celle initiée devant le juge pénal. Elle est à privilégier dès lors que l’action en justice vise à obtenir une réparation financière du préjudice subi par la victime. Elle est une option non négligeable dès lors que le délai de prescription pénale est écoulé, puisque l’action civile prévoit un délai de prescription de 5 ans. Ainsi, la victime n’ayant pas agi dans les délais régissant l’action pénale se voit offerte la possibilité d’obtenir réparation sur un fondement civil.

 

Exemples d’action en diffamation devant les juges français

Certaines actions en diffamation connaissent ou ont connu un retentissement médiatique important eu égard aux personnalités impliquées ou bien du sujet au cœur des débats.  

Par exemple, la journaliste à l’origine du hashtag #balancetonporc a fait l’objet d’une poursuite devant le tribunal judiciaire de Paris par la personne qu’elle avait nommée dans un tweet.

Très récemment, le rappeur Médine a perdu le procès qu’il avait intenté contre l’actuelle ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes Aurore Berger, qui l’avait qualifié « d’islamiste ». Le juge a écarté le caractère diffamatoire de ces propos. Il a estimé que l’accusée avait porté « un jugement de valeur sur la personnalité » du rappeur « telle qu’elle transparait dans ses chansons, qui, fut-il fondé sur des propos prêtés ».

Encore, deux personnes ont été condamnées pour diffamation à l’égard de la première dame, Brigitte Macron en septembre 2024. Elles étaient accusées d’avoir massivement diffus la rumeur selon laquelle Madame Macron mentirait sur son genre de naissance.

Notons qu’il est marquant de constater que ce genre de procès et de condamnations sont finalement rares par rapport au nombre de fausses informations qui circulent..

Dans les affaires de diffamation, qu’on soit victime ou accusé, faire appel à un avocat est essentiel pour faire valoir ses droits dans un cadre juridique souvent complexe.

Pour la personne diffamée, l’avocat saura identifier les propos litigieux, évaluer leur portée et engager les procédures adéquates pour obtenir réparation. Pour la personne accusée, il est tout aussi crucial d’être défendu afin d’éviter des sanctions injustes et de faire valoir la liberté d’expression lorsque celle-ci est mise en jeu. Dans tous les cas, l’expertise d’un avocat permet d’aborder le litige avec rigueur, stratégie et sérénité.

La possibilité de demander le retrait du contenu diffamatoire

Conjointement au développement des communications en ligne, le droit a évolué afin de permettre à n’importe quelle victime de diffamation en ligne de demander et d’obtenir le retrait de contenus diffamatoires.

Le législateur a souhaité responsabiliser les plateformes en tenant responsables des propos diffamatoires non seulement l’auteur du contenu, mais aussi de façon subsidiaire le directeur de publication du service de communication en ligne ou l’hébergeur du site / de la plateforme.

Au-delà de la question de la responsabilité de l’auteur des propos tenus, les plateformes ont l’obligation légale de procéder au retrait du contenu dès lors que celui-ci est sollicité par la victime. Cette démarche peut être intéressante dès lors que la diffamation est susceptible de revêtir la forme de propos dirigé contre une personne mais encore contre les produits et services d’une entreprise (c’est le cas lorsqu’une personne laisse un avis Google diffamatoire).

La demande de retrait revêt d’abord un caractère amiable puisque la demande peut être directement adressée à l’auteur du contenu et à l’hébergeur. Toutefois, dans la mesure où cette tentative resterait infructueuse, l’avocat en droit de la presse peut leur adresser une mise en demeure les enjoignant de retirer le contenu publié dans un temps très resserré (pouvant s’étendre de 24h à 15 jours). Finalement, en cas d’échec de tout règlement amiable du litige, il est toujours possible de saisir le juge dans le cadre d’une procédure d’urgence – dite action en référé – visant à obtenir le retrait du contenu litigieux sous astreinte ainsi que l’obtention de dommages et intérêts.

La diffamation sur le lieu de travail

La diffamation n’est en aucun cas circonscrite à un lieu déterminé. Si elle semble favorisée par le développement des moyens de communication numériques, il reste que des propos diffamatoires sont susceptibles d’être proférés dans l’espace public, dans l’espace privé mais également dans le milieu professionnel.

Dans ce contexte, la diffamation est à mettre en balance avec la liberté d’expression si bien qu’il est du rôle de l’avocat en droit de la presse de la distinguer de certaines situations courantes susceptibles de revêtir une toute autre qualification et d’ainsi être réprimées sur d’autres fondements légaux.

Par exemple, la diffamation n’est pas juridiquement synonyme de dénigrement du salarié par l’employeur. Ces comportements sont néanmoins susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement moral s’ils sont répétés et s’ils contribuent à dégrader les conditions de travail du salarié.

Encore, la diffamation et l’atteinte à la réputation ne doit pas être confondue avec la dénonciation calomnieuse qui porte uniquement sur un fait susceptible de sanction. En matière de diffamation, que les faits allégués ou imputés soient pénalement répréhensibles est indifférent.

Enfin, la diffamation sur le lieu de travail ne doit pas être confondue avec l’injure qui s’y oppose puisque celle-ci ne repose pas sur l’imputation d’un fait précis. 

Seront ainsi constitutifs de diffamation sur le lieu de travail le fait : pour un employé d’être accusé à tort de harcèlement sexuel ou de harcèlement moral par un autre collègue ou un supérieur hiérarchique, pour un employé d’être accusé à tort en l’absence de toute preuve de vol de biens appartenant à l’entreprise..

Le plus important reste pour l’employé de conserver tous les échanges étant susceptibles de revêtir un caractère diffamatoire (par les captures d’écran de sa boite mail, de ses conversations en interne sur le système de messagerie instantanée de l’entreprise..). Encore, la jurisprudence a admis que le salarié pouvait porter aux débats des enregistrements audios, quand bien même ces derniers auraient été captés sans le consentement de son interlocuteur. Enfin, des témoignages d’autres salariés sont susceptibles de constituer des preuves non négligeables face au juge dans le cadre d’une action en diffamation.

FAQ

Qu'est-ce qu'une atteinte à la réputation ? 

L’atteinte à la réputation n’est pas expressément prévue par le Droit français. En ce sens, il n’existe pas de droit à la réputation comme il existe un droit à la vie privée ou encore un droit à l’image susceptible d’être invoqué devant les juridictions françaises. Ces droits fondamentaux et inaliénables sont inhérents à la personne humaine. Toutefois, les juges font parfois référence à l’atteinte à la réputation dans le cadre d’un procès ou d’un contentieux en diffamation. Ainsi, l’atteinte à la réputation est réprimée sur le fondement de la diffamation, qui reçoit une définition juridique précisée dans cet article.

Quelle est la différence entre la diffamation et la calomnie ?

La dénonciation calomnieuse et la diffamation sont deux infractions distinctes réprimées par la loi pénale. Toutes deux portent atteinte à l’honneur et à la considération de la personne. Toutefois, la dénonciation calomnieuse porte sur un fait dénoncé étant de nature à provoquer des sanctions qu’elles soient judiciaires, administratives ou même disciplinaires, ce qui n’est pas le cas de la diffamation. Par ailleurs, en matière de dénonciation calomnieuse, le fait dénoncé doit être faux, ce qui n’est pas nécessairement le cas en matière de diffamation. Finalement, pour être qualifiée de « calomnieuse », la dénonciation doit nécessairement être adressée à l’une des autorités mentionnées par la loi à savoir (1) un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire (2) une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente (3) aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne concernée.




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